LES ETRES ETRANGES ET L'OBSCURE CLARTE

  Les êtres foisonnent, prolifèrent, grouillent, se multiplient, procréent . Ils envahissent l'espace . Ils s'agitent, se démènent, fourmillent, de dépensent . Ils s'emtremêlent, s'enlacent, s'étreignent, s'&preignent . Ils se blotissent . Ils s'enchevêtrent . Ils s'imbriquent . Ils s'encastrent . Ils s'ajustent . Ils sont entés l'un sur l'autre .

Parfois, les êtres coulent, glissent, fuient.... Les êtres s'enfièvent . Excités, troublés, ils s'exaltent . Ils galvanisent leurs énergies déguisées . Ils dissimulent leurs forces . Ils cachent leur puissance . Ils sauvegardent leurs pouvoirs et les voilent . Ils entrent dans des fureurs secrètes et intenses . Ils frissonnent, frémissent, trésaillent. Leurs corps frénétiques tremblent .

      Leurs couleurs peuvent parfois être glauques comme un océan orageux, parfois bleuâtres d'un ciel égaré, parfois roses comme un rocher érodé, parfois violacées .

      Sur leurs voiles, sur leur bonnet,sur leur couronne, émeraudes, aigues-marines, saphirs, topaze, escarboucles, améthystes, rubis, grenats, turquoises, diamants, scintillent . Parfois, dans la nuit, les êtres allument des torches de résine, semblables à celle des pêcheurs nocturnes qui éclairent la mer au bord de leur barque . Des lueurs phosphorescentes errent .

      Dans un espace boulebersé, des flammes dispersées forment une gloire souveraine . Sur les visages, sur les vêtements, les êtres perçoivent une lumière fluide, glissante . L'épaisseur de l'air, la densité de l'atmosphèrese confond avec une lumière égarée . Une obscure clarté baigne les corps des êtres .

     Assez souvent, les êtres étranges changent de nom . Ils altèrent leur identité . Ils se modifient . Ils bougent . Ils se déplacent, ils circulent .

     Comme des nuages, ils s'étirent, s'allongent, se délivrent, fuient, se ramassent, se recueillent, se disloquent, se contorsionnent, se séparent, se rencontrent, se marient, se soudent . Ils s'assombrissent et s'éclairent .

     Les yeux des êtres ne se ferment jamais ; Attentifs, vigilants, souvent inquiets, parfois effarouchés, les êtres se tiennent aux aguets . Ils observent . Ils surveillent . Ils lorgnent . Ils scrutent . Parfois sidérés,ils fixent leur regard sur des scènes énigmatiques . Voyants, ils révèlent des secrets flottants .

      Certains d'entre eux tiennent un éventail fait de sept plumes . Ils connaissent des techniques de stratégi et de combat .

Dans les tourbillons des nuages, un arbre immense se devine : le plier du monde, le moyeu de la roue de la vie, la colonne primordiale de la galaxie .

     Les êtres insolitent nagent dans les courants mêlés des eaux ténébreuses et troubles, dans les flux des sèves obscures .

 

                                                               GILBERT LASCAULT

 

 

 

         LE MONDE FANTASMAGORIQUE D'ADELE BESSY

 

      Face aux oeuvres d'Adèle Bessy, le visiteur est forcement ébahi en constatant la totale démesure de l'artiste . De véritables grappes 'humaines' se bousculent sur la toile, se chevauchent, confrontent leur monstruosité,deviennent centaures,griffons.....

    L'oeuvre prend des connotations culturelles, se rapproche de Bruegel, Bosch, ou Arcimboldo . Tout se passe comme si, soudainement, les fantasmes les plus fous étaient permis, comme si chaque personnage mettait so âme sur son visage, étalait au grand jour ses plaies et ses meurtrissures intérieures . Comme si dames à Hennin, gnomes, angelots, ou sirènes se livraient de concert à d'interminables bacchanales....Partout, un foisonnement insensé de personnages seuls ou en couples, serrés les uns contre les autres ; des entrelacs d'individus aux fins visages ou au contraire aux faciès monstrueux, mêlent à leur vie menée avec la plus grande vivacité, une évidente jubilation perverse .

 

 

        La précision du pinceau de l'artiste, la finesse du détail, l'art de rendre une sensation de velouté, appliquer la matière sans retenue ; puis longuement, fignoler, parachever.... témoignent d'un talent, d'une précision, d'une patience remarquable. Le tout trité dans des couleurs de brun vert glauques, des ocres violacés souvent morbides, des bruns tirant vers le noir... Une gamme chromatique dont les parfaites harmonies donnent à l'oeuvre d'Adèle Bessy une dimension poétique qui, mêlée à son imaginaire à la fois obsessionnel et fantasmatique, confèrent à son oeuvre une puissance expressive tout à fait originale .

 

                                                          JEANNINE RIVAIS

                                                             Critique d'Art