Séraphine, pauvre employée de maison ignare, se sentait inspirée par la Vierge . Enchantée par les hymnes célestes, elle répétait inlassablement les mêmes motifs sur sa toile . Saturée, celle-ci se mettait à son tour à vibrer . PROTEUS semble procéder à cette même inspiration . On se croirait au projet de la création ; tout y est déjà en puissance, mais tout reste à accomplir .

 

    Les couleurs éteintes se bercent mituellement . Les gris sourds prennent bien garde de ne pas réveiller les tendres gris perles, tandis quele bistre initial de la toile veille en sentinelle sur les ocres et les terre brûlée . Les couleurs s'interpénètrent, s'attirent et se repoussant tour à tour . Je pense à des globules rouges assiègés . Dans cette citadelle les visages sans corps errent, ce qui ne les empêche pas, pour la plupart, de sourire malicieux . Ce sont peut-être des âmes dans l'attente de l'incarnation promise . Leur profusion exerce sur moi un effet hynoptique, elles sont sérum de vérité ! Que cherchent-elles à me faire avouer ?

 

    Un visage affublé d'un corps m'interpelle, une énigme dont le déchiffrement convoque toutes les mythologies . Cerbères, en plein centre, passe le thème au petit poisson d'or qui s'empresse de souffler vers les sirènes . Mais n'est pas la Lorelei qui veut . Elle se gonfle en baudruche de Botéro ; la pauvre ! Et la voilà qui coule vers le château immergé où s'épousent la Belle et le Bête .

 

    Encerclant le château, aspiré vers les profondeurs, tourbillonnent une guirlande fantasmagorique où bêtes et hommes se relaient en une sarabande sur un large turban gris moyen .

 

    Tout ce monde, où les héros des mythes et contes fusionnent en un grand élan inspiré, ignore somptueusement les personnages du registre inférieur .

 

    Ceux ci, dans des teintes plus soudes, dominées par le bleu abyssal et l'ocre, évoquent une classe laborieuse acharnéeà nourrir ; sans gloire, la vanité de tout ce monde de courtisans oisifs qui ne songent qu'à renouveler leurs éphémères plaisirs .

 

    Si le spectateur recule, les différents éléments se fondent dans un motif plus aquatique . Un banc argenté de sardines attaqué par un prédateur .

 

   De loin , le tableau affiche un air de tapisserie .

 

   Si un jour je tombe malade, je voudrais voir cette toile en face de moi à chacun de mes réveils . Je pourrais la contempler et m'inventer chaque fois une histoire nouvelle . Quelle chance de pouvoir renouveler sans cesse la curiosité des gens qui me rendraient visite ; ainsi ils reviendraient .

 

    PROTEUS donne envie de se réveiller chaque jour pour se sentir vivant et ptêt à une nouvelle aventure .

 

  C'est un remède contre la routine et la morosité, un chant de gloire à la vie , merci !

 

                                                             Nicole GOLDENBERG

                                             Atelier d'écriture PAROLE CARACOLE

                                                               Maison-Laffitte  78